La Faust Symphonie de Franz Liszt - Histoire d'un chef-d'oeuvre négligé
Histoire d'un chef-d'oeuvre négligé
De même que la grande Sonate pour piano en si mineur, la Faust Symphonie marque un sommet absolu dans la production Lisztienne : oeuvre géniale, d'une puissance inouïe, elle reste sans conteste la plus pénétrante analyse de la nature humaine jamais dépeinte en musique.
La légende de Faust a toujours fasciné Liszt... Comment en eut-il été autrement ? ...Un artiste de cette dimension ne pouvait certes guère rester indifférent devant ce symbole d'une recherche éperdue d'accomplissement de soi, devant ce Faust en conflit avec sa propre nature, paradoxale et chaotique.
Trois livres ont suivi Liszt tout au long de sa vie : son bréviaire, la Divine comédie de Dante et le Faust de Goethe. C'est d'après ce dernier que cette oeuvre admirable fut écrite. Le titre complet mentionne d'ailleurs : "Une symphonie de Faust (d'après Goethe) en trois tableaux de caractères". Les trois tableaux en question sont :
1. Faust,
2. Gretchen (Marguerite),
3. Méphistophélès.
Gretchen représente, quant à elle, l'Eternel féminin "le grand Amour de Faust" tandis que Méphistophélès demeure, immuablement, "l'Esprit qui toujours nie".
Pour caractériser ses trois personnages, Liszt emploie, une fois encore, un procédé qu'il affectionne tout particulièrement : la transformation psychologique des thèmes - procédé original entre tous auquel la Sonate en si mineur (écrite un an plus tôt, en 1853) nous avait déjà habitué...
Un seul exemple : dans le troisième mouvement, Liszt considère Satan non comme un être "palpable", véritable entité, mais comme une part de Faust, son côté négatif. C'est pour cette raison qu'aucun nouveau thème n'est attribué à Méphistophélès car Liszt réutilise ceux de Faust et les caricature en les modifiant jusqu'à les rendre méconnaissables et d'un caractère tout opposé : le diable ne crée pas, il ne peut que détruire et la passion sublimée, la noblesse d'âme de Faust se transforment alors en danses grotesques et obscènes, ricanements sardoniques, sabbat ébouriffant.
Je n'en dirai pas davantage car là encore, je préfère - tout comme Liszt - laisser chacun voir ce qu'il souhaite dans cette oeuvre sublime et encore si scandaleusement mal connue. Les mots me manqueraient d'ailleurs pour exprimer l'ineffable passion qu'elle m'a toujours inspirée.
Stéphane Blet